- Paraît chaque dimanche à 8 heures tapantes, méridien de Paris -

dimanche 17 août 2014

Vanniers, Harry Potter et Romains


article précédent : Vaccin? Bacilles en débâcle




 

Oh well, I'm the type of guy who will never settle down
Where pretty girls are well, you know that I'm around
I kiss 'em and I love 'em 'cause to me they're all the same
I hug 'em and I squeeze 'em they don't even know my name

They call me the wanderer
Yeah, the wanderer
I roam around, around, around

(...)


"The Wanderer", par Ernie Maresca, et enregistré par Dion.



Yeah I'm the wanderer
Yeah, the wanderer
I roam around, around, around....

Oups, vous êtes là !
Euh.... Bonjour à toutes et tous !



Toujours plongés dans notre série Magie et magiciens, et toujours intéressés par les instruments emblématiques des clairvoyants et autres sorciers, nous poursuivons en ce dimanche avec un mot anglais, bien connu de celles et ceux qui ont lu Harry Potter dans le texte, et qui est tout simplement le pendant anglais du mot de la semaine dernière: baguette.


En anglais, la baguette magique, c’est la magic ... wand.


Un mot anglais, certes, mais qui débouchera sur un mot français dont la parenté avec l’anglais wand est surprenante. Mais je n’en dirai pas plus pour l’instant…

Harry Potter et sa baguette magique



Alors, wand !

Wand, c’est la baguette, le bâton, ou même, plus particulièrement, la branche, la tige de saule.
Oui, vous savez, cette branche si souple qu’elle est utilisée pour fabriquer des paniers

Des paniers en osier.



Oui, l’osier, c’est une espèce de saule: le saule des vanniers, l’osier vert, Salix viminalis.

le saule des vanniers


le saule des caravaniers



L’anglais wand nous vient du vieux norrois vöndr, qui se traduirait par quelque chose comme brindille souple.
Le vieux norrois vöndr, quant à lui, descend du germanique *wanduz, qui désignait notamment le bâton, ou même une clôture faite de branches.

Et bon, oui bien sûr, *wanduz provient d’une racine proto-indo-européenne :

*wendh-


A *wendh- n’était pas vraiment attachée la notion de “baguette”, de “bâton”.
Non non, sémantiquement, *wendh- correspondait à tourner, enrouler, ou même tisser.


Comprenez donc bien que derrière l’anglais wand ou le vieux norrois vöndr il y a étymologiquement l’idée de souplesse.
Souplesse grâce à laquelle les branchettes, les tiges peuvent être travaillées, torsadées dans des ouvrages de vannerie


C’est d’ailleurs cette idée que nous retrouvons dans l’anglais to wind ((s’)enrouler, serpenter, bobiner…).

Ce verbe anglais wind a toujours comme lointain ancêtre *wendh-, mais cette fois c’est par le proto-germanique *windana qu’il nous en arrive, en passant par le vieil anglais windan, ƿindan, puis le moyen anglais winden.

A winding road, c'est une route sinueuse...



Paul McCartney - The Long And Winding Road



- Ouais… Et l’allemand Wand alors : en allemand, Wand c’est le mur ! Rien à voir fieu !
- Bonjour ! A première vue certainement ! Mais il vous suffit de savoir que les parois des habitations, du temps de nos ancêtres germaniques, étaient faites de clayonnage, de branches entrelacées pour vous permettre de comprendre la filiation avec le proto-indo-européen *wendh- !

cours de clayonnage

et le résultat...





En fait, nous retrouvons la racine *wendh- dans pas mal de langues germaniques !

Elle se cache ainsi derrière les mots pour “enrouler” en néerlandais : winden, en allemand: winden, en danois : vinde

Mais elle a aussi donné lieu, à l’instar de l’anglais wand à des mots désignant la baguette, la branche; j’en veux pour preuve l’islandais vendi (“baguette”), ou encore, le danois vånd (notamment : “baguette”) …


En anglais, toujours, nous avons un autre dérivé de *wendh- : to wander.
Errer, flâner, vagabonder, ou même divaguer … Ce genre de choses quoi.

Le rapport avec les sens portés par *wendh- ??
Mais l’idée de circonvolution, de détour, de méandre


- OK, mais là on reste dans les langues germaniques… Rien pour de chastes oreilles romanes ?
- Eh bien si!

Je vous annonçais un mot dérivé français.

Avant toute chose, je dois vous prévenir : on suppose ce qui suit.
Je dois bien vous l’avouer : on n’en est pas très sûr.
Mais bon, l’hypothèse est franchement tentante, et me plaît vraiment bien.

Allons-y :

En français, *wendh- nous a(urait) donné….


[roulements de tambour]


vandale !


Alors, explications !

On suppose que c'est la racine *wendh- qui est à l’origine du proto-germanique *wandljaz : le vagabond (pensez à l’anglais to wander).

Et Vandale proviendrait de … *Wandljaz.

en vert, les Vandales

Comme vous le savez certainement, les Vandales, c'était un peuple germanique oriental.
Et ils ne se dénommaient pas "Vandales" parce qu'ils déambulaient dans tous les sens, mais bien parce qu’ils vénéraient Aurvandil, que l’on pense être le nom d’une étoile, peut-être même l’étoile d’Orient, celle du matin.

- Euh…
- Oui, parce que Aurvandil pourrait être issu d’un composé proto-germanique *auzi-wandilaz :le vagabond lumineux”, *auzi désignant l’aube, dérivé du proto-indo-européen *aus- (oui, relisez orientons-nous !!), et *wandilaz signifiant, ben… le vagabond ! 


Pour les Romains, cette tribu était celle des Vandali, le mot n’étant qu’une simple transposition latine de *Wandljaz.
L'ultérieur français Vandale proviendra évidemment de ce latin Vandalus.

Quand les Vandales (avec un grand V) déferlèrent comme des malades sur la Gaule, l'Espagne et l'Afrique du Nord au début du Vème siècle, aux yeux des Romains, ils devinrent des pilleurs, des voleurs.

Heinrich Leutemann,
Le pillage de Rome par les Vandales
(circa 1860–1880)


Des vandales quoi. (avec un petit v)


Vandalisme
Un petit v pour des petites m.



Allez, passez un bon dimanche, une très bonne semaine, et…


A dimanche prochain ?





Frédéric


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