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dimanche 3 juillet 2016

Les Grecques portaient une tainiā pour danser le sirtaki. Et c'était intenable.





(…)
La Mitre que les femmes portoient anciennement avoit des bandelettes qui, tombant fur les joues, paffoient fous le menton. Les Grecques ont aujourd’hui le même ornement, qui eft brodé avec des franges. On l'appelle la Mahoulika & c’eft ordinairement l'annonce de quelque indifpofition, ou du froid.

L’écharpe, après avoir fait le tour de la tête, vient quelquefois couvrir & retenir la gorge.

Anacréon, dans fes fouhaits, voudroit être le collier ou le tour de perles que porte fa maitreffe, ou l’écharpe qui retient fa belle gorge.
Le mot latin tænia ou fafcia, peut être expliqué par un lacet ou une écharpe. Les Athéniennes couvroient leur gorge comme les Grecques des Ifles ; ce qu’elles ne font pourtant pas toutes.

Vous penfez bien, M. que les Courtifannes avoient un luxe particulier & une maniere d’ajuftement qui font encore affectés aux femmes de cet état, mais que d’autres n’imitent que trop fouvent.

Je n’entrerai point fur cet article dans des détails & des comparaifons qui pourroient bleffer les mœurs & l’honnêteté. La curiofité doit avoir fes bornes & refpecter celles que prefcrit la décence.

Ce n’eft pas affez, pour voyager avec fruit, que de favoir bien diftinguer les objets qui méritent d’arrêter nos regards ; il faut favoir encore détourner les yeux.
(…)

source sur Gallica!





















M. Guys, secrétaire du Roi,
de l’Académie des Sciences & Belles-Lettres de Marfeille, 

in

Voyage littéraire de la Grèce, ou Lettres sur les Grecs, anciens et modernes, avec un parallèle de leurs moeurs, 1783
(On y a joint un Voyage de Sophie à Conftantinople, un voyage d'Italie, & quelques opufcules du même.)


Pierre-Augustin Guys est né à Marfeille le 1er août 1721, et mort à Zante le 18 août 1799.

Je n'ai hélaf pas trouvé d'illuftration le repréfentant.

Alors, en bonuf, voilà les originaux de fon Voyage Littéraire:






Bonjour à toutes et tous!


*ten-! La racine proto-indo-européenne *ten-, “étendre, étirer”.


Nous en avons déjà tiré NEUF articles!
OUI, nous en sommes à présent au DIXIÈME article sur l’infatigable proto-indo-européenne *ten-.

- Ça tombe bien, non, parce que ten, c’est dix! LOL MDR :-))
- Je ne répondrai pas, mon humanisme - comment dirait mon ami Jean, fidèle lecteur - m’en empêchant.


Dimanche dernier, nous nous étions quittés sur le grec ancien ὑποτείνω, hypoteínô, “sous-tendre, soutenir”.

Ben, on reprend de là!.

Toujours en grec ancient, *tn̥-yā-,
une forme suffixée en *-yā- du degré zéro de *ten- (*tn̥-),
a donné ταινία, tainiā, au pluriel ταινίες, tainíes: bande, bandelette, ruban, ou même l'Anglerrre langue de terre… 

Ce grec ταινία, tainiā est bien entendu apparenté à τείνω, teínô, “tenir, tendre“.

On l’employait pour désigner ce serre-tête, ce bandeau, ce diadème que l’on portait par exemple lors de célébrations.

Ou encore cette ceinture que les Grecques portaient pour soutenir leurs atouts d’une façon particulièrement … disons… élégante.
(Et ce n’est pas ce bon Pierre-Augustin Guys qui me contredira)

Tainiā sous les seins

C'est moi, ou il fait chaud?
Pièce de monnaie représentant Persée de Macédoine,
où on le voit sein ceint d'une tainiā.


Persée de Macédoine??

Né en -212 et mort en -166, il fut le dernier roi de la dynastie antigonide qui régna sur la Macédoine après la mort d'Alexandre le Grand.

Dernier de sa lignée, il fut vaincu le 22 juin -168 à la bataille de Pydna, et la Macédoine devint alors possession romaine.
On raconte que c'est un problème d'intendance qui lui a fait perdre la bataille: les vivres et armes sont arrivés un jour trop tard. Si vous êtes si malins, essayez, vous, de calculer les dates à l'envers.
Comme si vous y étiez...

À l’origine, les Progonides et les Antigonides s’affrontaient âprement sur le sujet des gonides.

Et comme vous pouvez encore le vérifier, les Antigonides ont si bien manoeuvré qu’à présent on ne sait même plus ce que pouvaient être ces gonides.

(Mais noooon, ooh, ne croyez pas tout ce que je dis: cette dynastie fut fondée par Antigone le Borgne, tout simplement, au IVème siècle avant J.-C.)

Antigone le Borgne.
Ici, son bon profil


Ce qui est amusant, c’est qu’en grec moderne, ταινία, ‎tainía signifie toujours un ruban, mais aussi un film.
Oui, un film de cinéma.
C’est l’équivalent de notre français film, “pellicule”, emprunté à l’anglais.

Ah oui, tous ces mots nous renvoient à une époque où un film ne se concevait que sur pellicule
Ah, l'argentique...
Le numérique a changé tout cela.

(grand) film grec.

Zorba le Grec, 1964, de Michael Cacoyannis,
d'après le roman de Nikos Kazantzakis, 1946

pellicules de cinéma argentique (source)


Nettement moins amusant, le grec ancien ταινία, tainiā a été - comm’ d’hab’ - emprunté en latin, pour devenir taenia.

Ouais.

Vous m’avez compris.

Les Grecs se le mettaient sur la tête, nous, on se le met … ailleurs.

Le français ténia n’est que la transcription du latin taenia, et désigne le ver solitaire.
À noter quand même que le grec ancien ταινία, tainiā avait déjà à l’époque ce sens disons euh… analogique - si je puis dire -.   
ténia



En génétique, on parle encore de synténie.

Savez-vous ce qu’est, en génétique du moins, un locus?
Il s’agit d’un emplacement physique précis et invariable sur un chromosome.

chromosomes

Un locus correspond ainsi à un fragment séquentiel invariant.




Eh bien, la synténie est la présence simultanée, sur le même chromosome, de deux ou plusieurs loci, (indépendamment de leur liaison génétique).

La notion de synténie est de plus en plus utilisée pour décrire la conservation de l’ordre des gènes entre deux espèces apparentées. "Plus la synténie est importante, plus les espèces sont apparentées"

Littéralement, synténie signifie tout simplement "sur le même ruban". 

On retrouve enfin tainiā sous la forme du suffixe -tène (pour “ruban”) dans d'autres termes associés aux chromosomes: pachytène (ruban épais) et polytène (ruban multiple).


On associe *ten- à une kyrielle de mots dans pratiquement tous les groupes linguistiques indo-européens.
Nous ne pourrons certainement pas tous les passer en revue!
Mais bon, on en reparlera dimanche prochain.



Chers lecteurs, chères lectrices,
Je vous remercie de me lire, évidemment, mais aussi de me le dire!

Je vous souhaite, à toutes et tous, un très agréable dimanche, et une grande et belle semaine!
Peut-être êtes-vous déjà en vacances…

Profitez, profitez!



Et nous, si vous le voulez bien, on se retrouve … dimanche prochain.



Frédéric


Soyons clair, je ne pense absolument rien du football. 
Je m'en bats les rouflaquettes... Si vous saviez!

Mais voilà, je voudrais verser un peu de baume sur les plaies de mes amis supporters des Diables Rouges, qui pleurent amèrement la défaite de leur équipe.

Un petit quiz, rien que pour vous:

Connaissez-vous cet entraîneur gallois (moi, non):















Il s'agit de Dean Saunders.

Et voici la page que Wikipedia lui consacre: https://en.wikipedia.org/wiki/Dean_Saunders.

Question: 
Étymologiquement parlant, "en tant que Gallois, il est parfaitement logique qu'il ait joué aussi dans cette équipe-".

De quelle équipe s'agit-il? (la réponse est sur Wikipedia, hein)

J'attends vos réponses sous forme de commentaires, sur Facebook ou sur Google+.
(tout le monde peut jouer!)

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Attention, ne vous laissez pas abuser par son nom: on peut lire le dimanche indo-européen 
CHAQUE JOUR de la semaine!
(Mais de toute façon, avec le dimanche indo-européen, c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Et pour nous quitter en musique,
un extrait de la superbe bande originale de Zorba le Grec,
signée Mikis Theodorakis




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